Donc je reprends là où nous en étions. Miss Toccata a vingt quatre ans. On pourrait croire que les choses vont s’arranger pour elle, au moins un peu, en quittant le domicile familial. Ah oui, je ne vous l’ai pas dit, Miss Toccata va se marier et fonder une famille ! Oui, je vous raconte, patience …

Je vous entends ; pourquoi vous demandez vous, pourquoi donc cela ne s’arrangerait pas pour elle ? Parce que lorsque l’on a développé de si belles blessures, l’on attire sans s’en douter ( ben oui si elle avait su, ou compris plus tôt, elle est pas maso non plus ! ), donc l’on attire immanquablement les prédateurs comme l’agneau attire le loup.

Donc Miss Toccata s’est mariée. Pour la petite histoire d’ailleurs, sa mère lui a choisit sa robe, c’est cette dernière qui payait donc qui choisissait. Notre Miss aurait bien aimé une jolie robe de princesse, comme toutes les filles quoi, c’est normal d’être une fois, juste une fois la plus belle … Elle a eu droit à une jupe et un boléro certes blancs mais qui ne lui allait pas ( elle ressemblait à un sac là-dedans ) et qui n’était d’ailleurs pas une vraie robe de mariée. Comme lui a dit son psy gentiment : « Vous auriez dû vous méfier ! ». Enfin bref, revenons à nos moutons, ou à notre agneau si vous préférez.

Elle avait attiré à elle, comme une tartine de miel attire le méchant frelon ( pauvre frelon, il est pas méchant en fait, mais c’est pour la comparaison, vous l’aurez compris ), donc elle avait attiré un prédateur, bien plus dangereux celui-là que sa mère ( la mère de Miss Toccata bien sûr ). Elle aura deux enfants avec lui.

Lui dans son style, c’était un grand maître ! Au début, il l’a couverte de cadeaux, lui a fait miroiter un paradis, pendant qu’il préparait son enfer, petit à petit ; il l’a isolée, puis rabaissée, puis humiliée. Agée de trente quatre ans, il l’a emmenée loin, très loin de tous, de tout. Elle ne connaissait plus que lui, ses reproches incessants et ses colères assourdissantes. Elle avait peur, tout le temps, le jour de ses colères énormes, la nuit de ses envies d’homme.
« Ma pauvre fille ( ah tiens j’ai déjà entendu ça ! ), tu es complètement folle, il faut te faire soigner ! », lui disait il s’il lui prenait l’envie de le contredire. Elle se recroquevillait, se faisait minuscule, en oubliait de respirer pour résister à toute cette violence et pour protéger ses petits, ces deux là qui donnaient un sens à sa vie.

Et puis un jour, il a maltraité son fils. Un peu de sang a giclé, son sang à elle a bouillonné. Elle aurait pu tout supporté mais pas ça, pas ses enfants. Elle a compris qu’il fallait fuir, fuir loin de lui, loin de cette folie.
 » Si tu pars, tu n’auras rien !!! Pas un meuble, pas un sous !!! »
A quarante quatre ans Miss Toccata est partie avec quelques vêtements, ses deux petits sous le bras et son courage autour du cou pour les soirées d’hiver. Elle a refermé cette porte là, sans se retourner.

Alors elle a travaillé, travaillé, bien serré les dents, les poings et redressé la tête pour y arriver, pour élever ses chéris, qu’ils fassent des études, qu’ils aient le droit de se tromper et de recommencer. Pour elle-même, il n’y avait plus de droits : pas le droit d’avoir peur, ni le temps d’ailleurs, pas le droit à l’erreur. Sortie d’une prison, elle en construisit une autre, plus solide. Désormais elle était son propre géôlier et son propre bourreau.
Ne pas s’écouter, jamais, ne pas être faible, ne pas s’apitoyer sur soi, ne plus savoir aimer ou avoir peur d’aimer, ça revient au même.
Serrer les dents encore, tout contrôler, ne rien laisser s’échapper. Tout bien ranger, nettoyer et faire briller la surface pour ne pas voir l’abîme qui se creusait, là où toute la noirceur et les frayeurs s’accumulaient.

A cinquante quatre ans ( vous avez remarqué qu’il se passe un truc tous les dix ans ? ), les enfants diplômés, Miss Toccata s’est dite :  » Je vais pouvoir me reposer un peu et pourquoi pas profiter … « . C’est là que Mr Rufus est arrivé ! Lui, vous le connaissez déjà … ( Pour ceux qui n’ont pas suivi, revenir à l’épisode 1 de Miss Toccata. )

Je vous laisse pour ce soir, pardon si cette partie de l’histoire est un peu plus noire, mais bon que voulez-vous, je ne fais que raconter en miroir !
A très bientôt les amis, surtout prenez soin de vous …
Miss Toccata et moi-même vous adressons nos plus belles pensées. ❤

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16 réflexions sur “Miss Toccata – Episode 4

  1. Adorable Catherine ❤
    Tu as un style d’écriture des plus magnifique , et qui me plonge dans tes écrit à en avoir la chaire de poule ,c'est comme si je voyais défilé toutes les séquences de ton récit sous mes yeux , chaque action et réaction , je vais absolument prendre exemple de toi ❤
    Tu sais Catherine , dans ma société "Algérienne " c'est très fréquent de trouver des situations similaires à celles de Miss Toccata ; le mariage le sacrifice de la femme envers sa famille , un mari incompréhensif pour ne pas dire méchant , supporter le mépris pendant plusieurs année , la crainte du divorce , surtout ce dernier point qui est la bête noire de tout foyer enfin des femmes plus précisément ,les femmes de la générations de ma maman qui a 52 ans à présent . Continuer à supporter cette maltraitance est l'erreur fatale que les femmes de ma société continuent à faire , cependant il est difficile de prendre son courage à deux mains comme Miss Toccata l'a fait , mais c'est la chose la plus correcte et audacieuse à faire , et je la salue d'ailleurs pour sa rébellion , malgré qu'elle savait que le chemin à faire n'est pas facile à parcourir mais elle a réussi en fin de compte !
    L'arrivé de Mr Rufus est à mon avis le résultat de toutes ces années de combat et de résistance , quad elle a baissé la garde enfin pour se reposer , il l'a trouvé …

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    1. En effet je sais et comprends que dans ta société les femmes n’ont pas cette liberté de quitter leur mari et c’est bien triste … Moi mes parents n’ont pas compris parce qu’il ne me battait pas ! Il y a tant de femmes de par le monde qui demeurent la chose, l’esclave de l’homme c’est injuste et insupportable ! Et c’est extrêmement difficile de partir sans être soutenue, la peur au ventre, de lui, de ne pas y arriver seule, mais jamais, jamais je ne l’ai regretté.
      Et tu as raison, l’arrivée de Mr Rufus est le résultat de toutes ces années de combat !
      Merci de ta compréhension et de ta gentillesse … En espérant que toutes les femmes du monde puissent un jour être libres ! ❤️

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  2. Quelle plume! pour un récit certes noir, mais plein d’une force certaine.
    Les prédateurs savent. Et nous coulons. Je reconnais la peur des jours et des nuits. Et la fuite. Sans rien. Ou plutôt avec l’essentiel. Le reste est accessoire.
    Et puis se reconstruire. C’est dur. Et oui nous sommes nos premiers bourreaux bien souvent.
    Merci pour ton partage vrai et sincère.
    Très affectueusement.

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    1. Oh merci Marie ! Oui les prédateurs ont un flair aiguisé pour débusquer et contrôler leur proie … Et la fuite est indispensable, avec l’essentiel comme tu le dis. Il me semble que tu connais aussi cela … Merci à toi de ton affection et de tes mots.
      Bien tendrement.

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  3. Etres toxiques évidemment, tournant autour de miss Toccata comme des mouche sur du miel.
    J’ai connu aussi, le manque d’estime de soi qui fait que l’on ne se rend même pas compte que les autres se servent de nous comme de serpillères…
    C’est bouleversant. J’espère de tout coeur que la suite apportera un peu d’espoir…
    •.¸¸.•*`*•.¸¸☆

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    1. Bien sûr qu’il y a de l’espoir ! Parce que si je peux raconter l’histoire de Miss Toccata c.est qu’elle a enfin compris, qu’elle est presque guérie … Et puis l’espoir a toujours été là dans les nuits les plus sombres, dans les jours emplis d’ombres, elle ne va pas le lâcher maintenant ! 😉

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  4. Merci chère Catherine pour cette émouvante suite que tu nous partages avec doigté et sobriété.
    Je me sens privilégiée d’être, en quelque sorte, témoin de ces pages de ta vie dont le parcours nous présente une femme prête à tout, pour reconstruire sa vie et par dessus tout, protéger ses enfants, et ce au prix de sa santé. Mr Rufus ne te ménage pas ma belle.

    À tout bientôt pour la suite…D’ici là, je vous embrasse, toi et Miss Toccata, et vous portent dans mon affection.

    Amitié et Tendresse
    Manouchka

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    1. Chère Catherine, j’ai l’impression que tu ecris mon histoire… c’est sûrement pour ça que je me sens si proche de toi aujourd’hui. Nous avons sans doute vécu les mêmes galères, mais au bout on a gagné. Du moins j’attends la suite, pour savoir.

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      1. Ah ben voilà, il n’y a pas de hasard Chantal … Et oui tu peux dire qu’au bout nous avons gagné, parce que nous avons eu le courage de partir, de reconstruire notre vie. Et pourtant c’est une des choses les plus difficiles que j’ai faite de ma vie … Alors oui nous avons gagné Chantal ! Bisous plein de tendresse 😘

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  5. Toujours aussi émue à la lecture de ton récit. C’est bien raconté, ni trop ni pas assez. Tu vas à l’essentiel.Et on comprend…
    Et oui, ces prédateurs qui savent repérer leurs proies; qui ne lésinent pas pour les appâter… En tout cas bravo, Cathy, d’avoir eu ce courage de partir avec tes petits sous le bras. Et du chemin que tu as fait avec eux… On sait combien tout ça est difficile, échapper à son bourreau, déjà; elever seule ses enfants…. Et puis, pendant ce temps-là – question que je me pose: comment a-t-elle fait pour se reconstruire ?
    Je pense que la suite va nous éclairer. Mais d’ores et déjà, je serais tentée de dire que tu as d’abord pensé aux enfants. Peut-être même pas du tout à toi.
    Alors pourquoi…. pourquoi justement monsieur Rufus arrive à ce moment là justement ? Au moment où il etait grand temps de penser un peu à toi ?
    A suivre….
    Des gros bisous et mes félicitations encore une fois pour le chemin parcouru et le travail sur toi que tu fais encore. Affectueusement.

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    1. Merci, merci beaucoup ma chère Solène de tes compliments ! Je reconnais qu’il faut du courage pour partir comme ça, tout recommencer à zéro, pour chaque femme qui vit cette situation. Et les années qui ont suivi, je n’ai pensé qu’aux enfants et pas à moi, tu l’as bien compris. L’arrivée de Mr Rufus est un tournant, évidement, mais ce sera le sujet du prochain épisode 😉
      Bisous, bien affectueusement ❤️

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