Miss Toccata – Episode 5

Miss Toccata – Episode 5

Miss Toccata doit vous raconter encore un peu les peurs et les frayeurs, se raconter, pour sortir de cet hiver sans fin et renaître à la saison du cœur.

Il lui reste un souvenir à expulser, cette boule au creux de son ventre, si présente … Ce souvenir revient par bribes, en partie en rêve, en partie en conscience.
Elle a sept ou huit ans. Elle est dans une grande pièce toute blanche, avec un homme, un médecin sans doute. Ses mains sont attachées, sanglées, sur un lit d’examen. Elle crie : « Non, non, je ne veux pas ! » et une douleur insupportable lui serre la gorge.
Et puis Mr Rufus arrive au galop, l’empêche de voir la suite …
Ce souvenir est bien là, bloqué, coincé, bref un truc pas digéré … Il n’est pas loin ce souvenir hideux, ce géant monstrueux qui sommeille en elle, la pire des frayeurs de son enfance, cachée au fin fond de sa conscience ; « Maman, Papa, pourquoi vous m’avez laissée toute seule ? ».

Mais me direz-vous, qui est ce Mr Rufus, qui arrive juste au moment où elle pourrait souffler un peu et peut être se rappeler ?
Mr Rufus est le contrôle qu’elle a exercé sur elle-même tant d’années, il est la somme de toutes ses peurs accumulées. Mr Rufus combat, veut nier l’expression de son être profond qui lui dit : « Stop, tu ne peux continuer à faire semblant de vivre, à te cacher, il est temps de voir, de tout illuminer. »
Il est le conflit entre ce qu’elle est vraiment et les conditionnements amassés, étiquetés, rangés bien ordonnés hors de sa conscience. Il est une distorsion, une dissociation entre son âme pure et son vécu trop dur.
La présence de Mr Rufus l’oblige a fouiller, déterrer, nettoyer, épousseter. Il est temps de faire le ménage à l’intérieur, de revenir à soi, à l’essentiel, à l’essence.

Miss Toccata sent bien qu’une petite flamme a toujours brillé là au plus profond d’elle, parfois juste une minuscule lueur dans les nuits trop sombres, dans les jours emplis d’ombres. L’arrivée de Mr Rufus est un cadeau, parce que quand il arrive au galop elle sait désormais que c’est sa peur qui s’exprime, son ego. C’est pour cela qu’elle doit l’apprivoiser. A l’inverse, l’univers bienveillant lui chuchote :  » Regarde la belle personne que tu es, tu mérites d’être aimée … Tu penses que les autres en sont dignes, pense à toi aujourd’hui. Tout ce que tu donnes aux autres, fais-en le don, pour toi ! Fais-toi le don de te pardonner, de croire en toi, de t’offrir la douceur et tout l’amour qui sont en toi ! ».

« Pardonner, c’est délivrer un prisonnier et découvrir que le prisonnier c’était vous. » Oscar Wilde.

Dans la moiteur de ce soir d’été,
D’un coup le vent s’est levé.
Miss Toccata respire.
Bientôt elle verra le souvenir.
Elle entendra les sages paroles de l’univers.
Elle sortira du froid et de l’hiver.

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Miss Toccata – Episode 4

Miss Toccata – Episode 4

Donc je reprends là où nous en étions. Miss Toccata a vingt quatre ans. On pourrait croire que les choses vont s’arranger pour elle, au moins un peu, en quittant le domicile familial. Ah oui, je ne vous l’ai pas dit, Miss Toccata va se marier et fonder une famille ! Oui, je vous raconte, patience …

Je vous entends ; pourquoi vous demandez vous, pourquoi donc cela ne s’arrangerait pas pour elle ? Parce que lorsque l’on a développé de si belles blessures, l’on attire sans s’en douter ( ben oui si elle avait su, ou compris plus tôt, elle est pas maso non plus ! ), donc l’on attire immanquablement les prédateurs comme l’agneau attire le loup.

Donc Miss Toccata s’est mariée. Pour la petite histoire d’ailleurs, sa mère lui a choisit sa robe, c’est cette dernière qui payait donc qui choisissait. Notre Miss aurait bien aimé une jolie robe de princesse, comme toutes les filles quoi, c’est normal d’être une fois, juste une fois la plus belle … Elle a eu droit à une jupe et un boléro certes blancs mais qui ne lui allait pas ( elle ressemblait à un sac là-dedans ) et qui n’était d’ailleurs pas une vraie robe de mariée. Comme lui a dit son psy gentiment : « Vous auriez dû vous méfier ! ». Enfin bref, revenons à nos moutons, ou à notre agneau si vous préférez.

Elle avait attiré à elle, comme une tartine de miel attire le méchant frelon ( pauvre frelon, il est pas méchant en fait, mais c’est pour la comparaison, vous l’aurez compris ), donc elle avait attiré un prédateur, bien plus dangereux celui-là que sa mère ( la mère de Miss Toccata bien sûr ). Elle aura deux enfants avec lui.

Lui dans son style, c’était un grand maître ! Au début, il l’a couverte de cadeaux, lui a fait miroiter un paradis, pendant qu’il préparait son enfer, petit à petit ; il l’a isolée, puis rabaissée, puis humiliée. Agée de trente quatre ans, il l’a emmenée loin, très loin de tous, de tout. Elle ne connaissait plus que lui, ses reproches incessants et ses colères assourdissantes. Elle avait peur, tout le temps, le jour de ses colères énormes, la nuit de ses envies d’homme.
« Ma pauvre fille ( ah tiens j’ai déjà entendu ça ! ), tu es complètement folle, il faut te faire soigner ! », lui disait il s’il lui prenait l’envie de le contredire. Elle se recroquevillait, se faisait minuscule, en oubliait de respirer pour résister à toute cette violence et pour protéger ses petits, ces deux là qui donnaient un sens à sa vie.

Et puis un jour, il a maltraité son fils. Un peu de sang a giclé, son sang à elle a bouillonné. Elle aurait pu tout supporté mais pas ça, pas ses enfants. Elle a compris qu’il fallait fuir, fuir loin de lui, loin de cette folie.
 » Si tu pars, tu n’auras rien !!! Pas un meuble, pas un sous !!! »
A quarante quatre ans Miss Toccata est partie avec quelques vêtements, ses deux petits sous le bras et son courage autour du cou pour les soirées d’hiver. Elle a refermé cette porte là, sans se retourner.

Alors elle a travaillé, travaillé, bien serré les dents, les poings et redressé la tête pour y arriver, pour élever ses chéris, qu’ils fassent des études, qu’ils aient le droit de se tromper et de recommencer. Pour elle-même, il n’y avait plus de droits : pas le droit d’avoir peur, ni le temps d’ailleurs, pas le droit à l’erreur. Sortie d’une prison, elle en construisit une autre, plus solide. Désormais elle était son propre géôlier et son propre bourreau.
Ne pas s’écouter, jamais, ne pas être faible, ne pas s’apitoyer sur soi, ne plus savoir aimer ou avoir peur d’aimer, ça revient au même.
Serrer les dents encore, tout contrôler, ne rien laisser s’échapper. Tout bien ranger, nettoyer et faire briller la surface pour ne pas voir l’abîme qui se creusait, là où toute la noirceur et les frayeurs s’accumulaient.

A cinquante quatre ans ( vous avez remarqué qu’il se passe un truc tous les dix ans ? ), les enfants diplômés, Miss Toccata s’est dite :  » Je vais pouvoir me reposer un peu et pourquoi pas profiter … « . C’est là que Mr Rufus est arrivé ! Lui, vous le connaissez déjà … ( Pour ceux qui n’ont pas suivi, revenir à l’épisode 1 de Miss Toccata. )

Je vous laisse pour ce soir, pardon si cette partie de l’histoire est un peu plus noire, mais bon que voulez-vous, je ne fais que raconter en miroir !
A très bientôt les amis, surtout prenez soin de vous …
Miss Toccata et moi-même vous adressons nos plus belles pensées. ❤

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