Il y eut l’enfance, entre ces murs blancs enfermée, pour raisons de santé.
Il y eut l’adolescence, les rêves brisés, obligée de briller pour exister, pour ses parents qui s’étaient projetés.
Il y eut le mariage, ce naufrage, elle ne savait pas la perversité. Se laisser enfermer, par la violence des mots enchainée, si longtemps, tant d’années. Vouloir hurler, taper, ne pas oser.
Elle a finit par le quitter, fuir, se sauver, les enfants à son cou accrochée, dans cette tempête elle a été leur bouée.
Il y eut les années de lutte, pour s’en sortir, elle allait leur montrer et gagner de l’argent, habiller ses enfants, les élever, être forte, ne pas plier. Ne jamais regarder derrière, serrer les dents, maîtriser, pas un instant elle n’a pensé au bien-être, à elle la femme, à la douceur de l’être.
Et il y a eut ce jour où on lui a dit « licenciée ».
C’était la goutte de trop,
Une goutte lourde, si lourde,
De peurs et de frayeurs,
Ce jour où elle s’est noyée.
Quelque chose en elle s’est brisé,
En mille morceaux éparpillés,
Couler profond, remonter, à peine respirer,
Couler plus profond et puis perdre pied.
Mais même brisée, épuisée, tour à tour perdue, ne plus désirer rien, et ardente désirer le trop plein, elle brûle d’un feu qui jamais ne s’éteint.
Ces trois derniers jours hospitalisée, des médecins compétents ont tout analysé, lui ont expliqué le mécanisme de sa maladie. Ce jour là, son cerveau avait court-circuité, le réseau neuronal avait disjoncté, les fils s’étaient entre-mêlés obligeant le corps à vivre ce chaos, elle ne trouvant plus le repos. Elle avait commencé à comprendre, il lui a fallut entendre que son mental avait créé ce monstre de douleur infinie. Ce soir elle avait compris, accepté, admis.
Elle a revisité chaque blessure qui en elle gémit, elle a entendu ce corps qui hurle et lui crie : « Cherche encore, tu es encore en vie, tout est là, tout est en toi ! »
Elle aurait pu sombrer dans la folie, se nourrir de médicaments pour trouver l’oubli, elle a choisi de regarder ses peurs, d’apprivoiser la douleur.
Elle va patiemment dénouer les fils, de grosses larmes s’enroulent sur ces cils, il faut reprogrammer le cerveau, peut-être va t’elle enfin trouver le repos.
Ne pas s’en vouloir surtout,
Un pas après l’autre, c’est tout,
Elle peut désormais regarder devant elle,
Là où brille la lumière de l’être, éternelle,
Bientôt elle pourra respirer, se reposer,
Et de chaque jour s’émerveiller.
****
